Ijtihâd : l’effort d’interprétation de la religion

IHEI

30-09-2022

33e Conférence islamique du Caire sur les défis actuels de l’Islam

Après quelques années d’interruption, notamment en raison de la pandémie, la Communauté Religieuse Islamique (COREIS-Italie) et l’Institut des Hautes Études Islamiques (IHEI) reprennent leur participation à la Conférence internationale du ministère des Affaires religieuses d’Égypte, à laquelle ils avaient pris part chaque année depuis 1996, à travers la présence du Shaykh Abd-al-Wahid Pallavicini, président fondateur de la COREIS, qui fut également président d’honneur de l’IHEI.

Cette rencontre annuelle réunit depuis des décennies des représentants musulmans venus de différentes régions du monde, y compris l’Europe, pour partager des réflexions doctrinales autour des grands défis sociétaux, en bénéficiant également d’échanges avec les recteurs d’Al-Azhar jusqu’à l’actuel grand-imam Ahmad al-Tayyeb.

La 33e édition tenue au Caire les 24 et 25 septembre dernier a porté sur une question centrale : « L’Ijtihâd et sa nécessité à l’époque contemporaine : déclinaisons, règles, interprètes qualifiés. »

Le terme arabe ijtihâd signifie littéralement « effort personnel ». Il désigne traditionnellement le travail de réflexion et d'interprétation des textes sacrés qui est accompli par les maîtres qualifiés, notamment les jurisconsultes, à partir du Coran et de la Tradition prophétique, selon une méthode intellectuelle reconnue, afin de répondre aux exigences religieuses des musulmans dans le contexte où ils vivent.

L’ancien grand-imam d’Al-Azhar, shaykh 'Abd al-Halim Mahmud, écrivait : « Pour pouvoir pratiquer l’ijtihad, la condition prioritaire et indispensable, avant et après toutes les autres, c’est de posséder la vertu de la "prémunition spirituelle" (taqwa). Les sommités de la jurisprudence islamique furent tous aussi des saints. L’ijtihad sincère, d’après ses plus éminents représentants, est une illumination spirituelle, une lumière provenant de Dieu. »

Ce thème a permis de renouveler la syntonie de la COREIS et de l’IHEI avec les enseignements du Conseiller Ali Abd al-Rahman al Hashimi (UAE), du ministre des Affaires religieuses (Royaume Hachémite de Jordanie) et du shaykh Ali Jumu'a (Égypte), qui ont développé certains points saillants ayant fait l’objet du témoignage de l’imam Yahya Pallavicini, vice-président de la COREIS et président de l’IHEI, parmi lesquels :

  • L’ijtihad, effort d’adaptation de la doctrine (Coran et Sunna) au contexte de la société et du monde qui change, peut être interprété seulement par des hommes et des femmes qui ont les qualifications et les autorisations pour rattacher l’éternité de la Révélation à la science de l’instant, dans la vie pratique et dans les contextes divers et variés, à travers les différentes régions du monde.

  • La conscience des décadences humaines et la confiance en la providence divine ont inspiré une recherche intellectuelle qui a permis, à chaque siècle, à la communauté musulmane d’avoir certains représentants éclairés en mesure de revivifier l’intelligibilité de la doctrine et, en même temps, de découvrir des approfondissements et des dévoilements nouveaux comme reflet du renouveau de la sainte présence d’Allah.

  • Une nouvelle génération de musulmans européens entend contribuer également à ce renouvellement de la vision de la réalité, grâce à une déclinaison sage du rapport entre foi et raison, religion et politique, tradition et modernité, éthique et développement économique durable, famille et éducation, dialogue et relations internationales. 

  • Cette convergence culturelle pourrait avoir des répercussions intéressantes sur le plan juridique notamment, sans créer des artifices normatifs, mais en étudiant des synergies, sur le plan de l’éthique dans la jurisprudence européenne et dans les différents secteurs de la société civile, avec l’essence du droit islamique et les retombées possibles dans les secteurs de l’alimentation, de la santé, du commerce et de la finance.

  • Ce qu’il faut éviter pour cette représentation de l’Islam européen, c’est l’infiltration de spéculateurs qui, au lieu de travailler vraiment sur le plan du dialogue interculturel, profitent de cette situation pour s’improviser penseurs musulmans auto-référentiels ou idéologues du formalisme islamiste.

  • Une minorité de musulmans européens devrait être en mesure de mettre à jour la contribution intellectuelle de la philosophie occidentale, à ses origines et dans ses prolongements lumineux, sur les thèmes centraux de la sacralité de la vie et de l’âme humaine. Ils doivent par ailleurs savoir rappeler, avec humilité et acuité, la perspective sacrée, symbolique et rituelle du temps et de l’espace, mais aussi contribuer concrètement à une médiation entre les peuples en faveur de la compréhension interculturelle et de la collaboration interreligieuse.

Preuve de la portée de l’événement, la présence des délégations nationales provenant de nombreux pays : Émirats Arabes Unis (Mohammed Bechari), Arabie saoudite (Ligue islamique mondiale), Oman, Mauritanie, Sénégal, Burkina Faso, Mali, Niger, Kenya, Zambie, Bénin, Soudan, Tunisie, Inde, Australie, Brésil, et parmi les pays européens : Russie, Albanie, Suisse, Italie, Irlande et Ukraine, représentée par le mufti Tamim.

A la lumière des temps que le monde et l’Europe traversent actuellement, la Conférence du Caire a permis de réaffirmer le rôle d’une composante sapientielle de l’Islam au service utile de la société, en faveur d’un bien commun et d’une synergie retrouvée entre les peuples, dans la recherche commune de vérité, de justice et de valeurs partagées.

Ce fut enfin une occasion précieuse pour les représentants de la COREIS et de l’IHEI présents de renouveler une syntonie avec le peuple égyptien musulman qui a su maintenir une sensibilité pour les maîtres spirituels et les différentes cultures islamiques qui ont enrichi l’Histoire de l’Égypte.

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