Connaître les femmes musulmanes
Ilhâm-Allâh Chiara Ferrero
17-09-2009
Les réflexions sur la famille et sur la communauté, que nous nous efforcerons de développer dans cet appendice, n’ont pas uniquement pour but de fournir des références d’ordre social, car la famille et la communauté sont, avant toute chose, pour nous musulmans, des réalités contenues dans le cœur, indépendamment du type de société ou de pays dans lequel nous vivons. Dans l’islam, la réalité de la famille, de la communauté, et les rapports entre homme et femme sont envisagés dans une perspective différente de celle qui est communément répandue en Occident. Généralement, lorsqu’il est question de l’islam, on a l’impression que certaines personnes ne comprennent pas toujours la nécessité de dépasser leur propre mentalité, sans pour autant devoir en changer, afin de pouvoir s’ouvrir à d’autres sociétés, d’autres peuples et d’autres modes de vie, que ceux que l’on connaît habituellement. Les Européens ont malheureusement peur, à tort, que la reconnaissance des spécificités des musulmans implique le renoncement à leur identité propre. Une telle appréhension injustifiée qui risque de leur faire perdre de vue le but vers lequel devrait tendre toute société civile, alors que, en réalité, il existe des valeurs communes liées à la sacralité de la vie humaine et de la famille, pour n’en citer que quelques-unes, qui caractérisent la communauté islamique, et sur lesquelles pourrait s’ouvrir un dialogue serein avec les institutions européennes.
La contribution des femmes au développement de la société a toujours été très importante, et peut-être devrait elle aujourd’hui devenir seulement plus visible, en dehors de tout activisme. Il faudrait donc procéder à un authentique et véritable « dévoilement », qui ne consiste pas à ôter les voiles de la pudeur et de la décence, mais plutôt à faire tomber ceux de l’ignorance et des préjugés qui rendent « invisible », aux yeux des Occidentaux, la réalité intérieure des croyants, présente dans l’authentique esprit de l’islam. La possibilité d’approfondir la réalité de l’islam se manifeste lorsque cette réalité est représentée, de l’intérieur même de la Tradition, par des personnes qui la vivent sereinement. Ainsi, les arguments de la polémique disparaîtront pour laisser place à un nouveau monde bien plus proche de celui que nous imaginons. Nous nous efforcerons donc ici d’approfondir la réalité féminine présente dans l’islam, en retrouvant une perspective de connaissance plutôt que proposer de simples notions culturelles, des curiosités ethniques ou un technicisme académique obtus.
Pour les musulmans, l’attachement aux formes constitue une erreur relativement grave, car il revient à méconnaître les vraies valeurs, symboliques, qui permettent de reconduire le fidèle à l’Ipséité de Dieu. Le Coran affirme que « toute chose périt sauf Sa Face »,1 par conséquent, la Science divine, qui a institué les prescriptions, est la seule à être réellement inconditionnée et absolue, alors que les formes ne sont que relatives et éphémères.
La méconnaissance, par simple ignorance, de la valeur symbolique et intellectuelle des Traditions est à l’origine même de l’obstination aveugle de certains musulmans qui préfèrent ignorer la dimension symbolique et spirituelle inhérente à leur propre Tradition. Ces derniers, ne pouvant comprendre et admettre cette valeur symbolique fondamentale, préfèrent la rejeter, voire en nier l’existence. Malheureusement, une telle incompréhension entraîne certaines crispations sur le sens littéral des prescriptions coraniques, au détriment des significations plus profondes que recèlent ces mêmes prescriptions.
En effet, les prescriptions coraniques qui régissent la vie du musulman ont un sens littéral et une valeur cachée. Celle-ci peut se prêter à différentes interprétations symboliques selon le degré de connaissance du croyant. Nous n’entendons pas faire référence ici à une exégèse personnelle, mais bien à un effort spirituel qui, grâce à la guidance des savants, permet l’accès à la connaissance des symboles. La confusion qui caractérise la plupart des discours sur l’islam ne se fonde pas seulement sur une interprétation littérale du Coran, mais également sur la négation de certaines significations symboliques de la Parole de Dieu et du comportement du prophète Muhammad. Cette ignorance est la clé de toute la prétendue « question » féminine, et de bien d’autres encore, que nous essayerons de mettre en évidence dans cette section.
Pour connaître les femmes musulmanes, il est nécessaire de redécouvrir avant tout la signification de la dignité spirituelle que toute femme religieuse, qu’elle soit chinoise ou africaine, européenne ou indienne, sait réellement incarner. Afin d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé, nous utiliserons les supports de la Tradition islamique que sont le Coran et les traditions prophétiques, et qui sont souvent ignorés. Cela permettra de montrer que, depuis les temps du prophète Muhammad, l’islam a toujours attribué à la femme une grande importance.
En effet, c’est une femme, Khadîja, la première épouse du Prophète, qui fut la première croyante à entrer en islam, à une époque où l’idolâtrie était fortement répandue. La Tradition décrit Khadîja comme une riche commerçante, veuve, qui connut le prophète Muhammad bien avant que ce dernier n’eût reçu la Révélation divine. Khadîja reconnut immédiatement l’élection singulière du Prophète, et demanda à l’épouser. À la mort de Khadîja, le Prophète épousa une jeune fille, ‘A’isha, née musulmane, et qui était la fille d’un de ses plus proches compagnons, Abû Bakr, le premier calife. Après la disparition du Prophète, ‘A’isha joua un rôle déterminant dans la transmission des ahâdîth, c’est-à-dire les dits et faits du Prophète qui font partie intégrante de la sunna, l’exemple du comportement prophétique. Ces femmes, Khadîja et ‘A’isha, différentes sur bien des points, étaient néanmoins toutes deux profondément liées au prophète Muhammad. Elles furent témoins et témoignèrent à leur tour de la revivification qu’entraîne une nouvelle irruption du Sacré dans le quotidien, car elles vécurent au côté d’un homme qui, en tant que Prophète, dépassait les caractéristiques masculines et féminines, devenant ainsi le modèle de sainteté pour tous les croyants et toutes les croyantes. Ainsi, dans l’islam, c’est le prophète Muhammad qui représente l’archétype à suivre pour les fidèles musulmans, tandis que ses épouses offrent l’exemple de femmes qui ont su soutenir, par la force et la patience, une présence si bénie.
Parmi les nombreuses traditions valorisant l’importance de la femme, nous pouvons citer celle rapportée par le deuxième calife, ‘Umar ibn al-Khattâb, qui disait :
Après la foi en Dieu, le meilleur cadeau que puisse recevoir un serviteur est une épouse vertueuse. Certaines d’entre elles constituent pour leurs époux un butin d’une valeur inégalable ; d’autres sont de tels carcans qu’il vaut mieux s’en affranchir, fût-ce contre une rançon.2
L’expression arabe traduite par « d’une valeur inégalable » signifie que certaines femmes ne peuvent être remplacées par aucun autre don. Il est dit que « l’épouse vertueuse n’est pas un bien de ce bas-monde puisqu’elle te permet de te consacrer entièrement à l’Au-delà. »3 Ces deux dernières citations pourraient suffire à rendre vains la plupart des discours sur la femme musulmane. Il est toutefois nécessaire de comprendre également la cause de certaines erreurs d’interprétations qui touchent tous les aspects de la vie.
Venons-en à présent à des exemples concrets, à commencer par le « voile islamique ». Si, parmi les innombrables significations attribuées à la valeur et à la fonction du voile islamique, certaines frôlent véritablement le mauvais goût, l’on ne cherche jamais, néanmoins, à en donner une définition religieuse. En effet, à l’instar des autres Traditions, par exemple l’hindouisme, le judaïsme et le christianisme, le voile sert, du point de vue de l’islam, à exprimer la vocation religieuse, jusque dans l’habit. Alors pourquoi tant de bruit autour du voile islamique ?
Peut-être parce que l’on s’arrête trop souvent aux apparences, que ce soit celles des vêtements ou celles des mots. En effet, il n’est pas souhaitable que le voile devienne une question de mode, l’énième stéréotype, au point que l’on débatte pour évaluer s’il vaut mieux mettre la burqa ou la minijupe. Il s’agit ici d’une double erreur parce que la burqa est le résultat, que certaines femmes doivent subir, de l’interprétation erronée d’une prescription coranique. Le fait d’en parler, en donnant la parole à des femmes qui, elles au contraire, en font un étendard idéologique leur couvrant entièrement la face, fournit une subtile légitimation aux fondamentalistes eux-mêmes.
Quand on parle du voile en l’islam, hijâb, on entend ce foulard, de couleur et de grandeur variables, qui couvre la tête en cachant les cheveux. L’obligation de porter le voile est liée aux moments rituels et à l’accès aux lieux sacrés. La décision d’étendre cette obligation à tous les moments de la journée est un choix personnel qui regarde la femme avec éventuellement l’avis de son mari.
L’acte symbolique de se voiler, comme pour l’homme celui de porter l’habit traditionnel, représente la volonté d’exprimer extérieurement sa propre vocation religieuse, ainsi que cette crainte de Dieu qui devrait nous accompagner dans chaque action de la journée. Le vêtement est un symbole qui a sa propre correspondance avec l’intériorité, de la même façon que l’on reconnaît un lien indissociable d’analogie entre microcosme et macrocosme, immanence et transcendance. Toutefois, il est bien connu que « l’habit ne fait pas le moine », ainsi, la religiosité de chacun s’exprime-t-elle bien au-delà des apparences extérieures.
C’est la raison pour laquelle on ne saurait continuer à partager les femmes en deux catégories opposées : celles qui portent le voile, et celles qui ne le mettent pas, en expliquant leur choix et leur attitude par des motivations personnelles, par la condition sociale ou par le niveau d’instruction. Il peut y avoir de bonnes musulmanes sans voile, et de mauvaises femmes voilées, et inversement.
Le voile ne doit pas servir à cacher ou à établir une ségrégation, mais plutôt à distinguer. Il fournit alors à celle qui le porte une protection en vertu de la consécration visible de sa personne à Dieu. En vérité, le Coran dit :
Ô Prophète ! Dis à tes femmes, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles ; c’est pour elles le meilleur moyen d’être reconnues et de ne pas être offensées.4
D’ailleurs, le prophète Muhammad est lui-même représenté, dans l’art islamique, avec un voile ou une flamme sur son visage, afin qu’aucune caractéristique individuelle ne soit associée à celui qui représente par excellence le symbole de la transparence devant la Volonté divine.
Il semble, paradoxalement, qu’il soit demandé à la femme musulmane d’apprendre précisément à porter ce même voile, le voile de la lumière prophétique, qui manifeste avant tout la transparence divine. On peut alors comprendre, dans un certain sens, que la finalité du voile est de cacher les apparences visibles des caractéristiques individuelles pour permettre de manifester, au-delà du voile, l’invisibilité du mystère divin. C’est la raison pour laquelle, parmi les vertus attribuées à la femme musulmane, celle de la discrétion est des plus fondamentales. L’art de la discrétion correspond en fait à l’expression de cette sensibilité innée, présente en chaque femme, qui consiste à savoir préserver les qualités que Dieu lui a données.
Le Prophète a dit : « Dieu est Beau et Il aime la beauté. »5 Les femmes ont reçu de Dieu un reflet de cette beauté qui doit être gérée avec sagesse, et dévoilée dans l’intimité avec leur aimé. La préservation de ce don précieux est à la fois active et passive, exigeant des hommes qu’ils contrôlent une attraction excessive afin de pouvoir reconnaître dans la femme d’autres qualités qui la caractérisent. Il s’agit, ici, de voiler une partie de soi pour savoir dévoiler d’autres caractéristiques, redéfinissant alors de façon qualitative les relations entre hommes et femmes, indépendamment du lien de parenté, au moins d’une manière plus large, constructive, et transparente.
Il existe également, dans la Tradition islamique, un autre aspect symbolique attribué au voile. Celui de protection contre les offenses : la Vierge Marie, comme l’enseigne le Coran, quitta sa famille et se retira en un lieu vers l’Orient. Elle plaça un voile entre elle et les siens.6
Cet éloignement de Marie par rapport à son peuple, entendu comme renoncement à ce monde et comme retraite spirituelle, est mis en évidence par l’acte de se voiler. Il précède l’annonce, faite par l’ange Gabriel, de la naissance de Jésus.
Il est important de rappeler ici que, pour toute femme musulmane, ce serait une erreur d’associer la vertu de la discrétion ou la nécessité d’une protection, à un simple morceau de tissu, surtout si, au-delà de ce voile, l’on n’est pas capable de réaliser cette élection et cette distinction que Dieu accorde, dans l’islam, aux femmes éclairées.
On ne peut attribuer plus de valeur à un vêtement modeste qu’à un habit précieux, au fait de travailler qu’au fait de rester à la maison, et inversement, car tout peut prendre de la valeur à partir du moment où l’on cherche à en tirer un enseignement en vue du retour à Dieu à la fin de notre existence. Pour l’homme comme pour la femme réellement religieux, chaque moment qui n’est pas vécu dans une aspiration à recevoir de Dieu un enseignement est un moment gaspillé et perdu.7
Il sera nécessaire à l’avenir, afin de pouvoir réellement aller « au-delà du voile », de laisser aux femmes musulmanes la possibilité de perpétuer l’importante fonction qu’elles ont toujours remplie. La fonction éducative de la femme ne pourra jamais être amoindrie par le fait que les musulmanes puissent être présentes dans la société, que ce soit en tant que responsabilité individuelle, dans la famille, ou en tant que responsabilité civile.
En fait, l’accent qui est mis dans l’islam sur la discrétion et la modestie de la nature féminine ne peut pas devenir un alibi pour ne pas réagir à la désinformation fallacieuse et aux instrumentalisations fondamentalistes. D’un autre côté, la nécessité d’une réaction intellectuelle et modérée de la femme ne doit pas se transformer en une révolte contre le monde avec la volonté d’une affirmation féministe coupée de toute référence traditionnelle. Les femmes réussiront à jouer leur rôle à condition qu’elles soient capables de collaborer en synergie avec les fonctions exercées par les hommes, sans vouloir opposer ou substituer les uns aux autres. Les femmes musulmanes contemporaines se préparent également à affronter de nouveaux rôles. La fonction consistant à refonder les relations sociales, à redessiner le système éducatif, et à redéfinir les nouvelles professions pour le futur, demande cette capacité d’intuition et ce recours à l’opérativité que les femmes possèdent incontestablement. La femme qui voudra entreprendre une activité publique, par exemple une carrière politique ou l’enseignement, sera d’autant plus soutenue, et aura plus de succès, dans la mesure où elle se maintiendra dans le cadre de la Tradition. En réalité, l’universalité de l’islam fournit, en tout temps, les outils intellectuels qui permettent d’affronter et de résoudre les situations de ce monde, en sachant que le but de la religion n’est pas d’apporter une solution à tous les problèmes du monde — problèmes qui se posent dans la mesure où nous sommes encore « profanes » — mais d’assurer le salut de l’âme après la mort.
Tel est le véritable défi du troisième millénaire : se confronter avec des cultures différentes et interagir avec elles, tout en préservant sa propre identité religieuse, sans être étouffé par le fondamentalisme — qui voudrait imposer un puritanisme idéologique qui n’a à voir avec l’intégrité religieuse — ou par des courants athées réformistes, qui ne sont que le fruit des illusions de la modernité.
L’équilibre délicat entre le maintien de l’identité religieuse propre et la confrontation avec des perspectives diverses est à rechercher avant tout en nous-mêmes, en utilisant toutes nos facultés intellectuelles et notre adhésion à la Tradition. Cet effort est nécessaire pour appréhender et vivre les situations nouvelles que la vie nous réserve, au moyen de ces supports, vitaux en islam, que sont l’intelligence, la doctrine et le consensus des savants. C’est ainsi que l’on parviendra effectivement à réaliser une véritable liberté dans la religion, et non pas une émancipation de la religion, ni encore moins une religion sans liberté.
L’image de la femme musulmane en Occident
Bien qu’elle soit peu connue dans le monde contemporain, cette vision de la femme, que nous avons évoquée jusqu’ici, se fonde sur la doctrine traditionnelle de l’islam, telle qu’elle est reconnue par les savants et par la majorité des musulmans depuis quatorze siècles. Cela dit, depuis quelques années, on voit apparaître un courant de plus en plus significatif de femmes intellectuelles européennes dont il nous semble opportun de citer, dans cette section, quelques témoignages, directement extraits de conférences et d’articles :
« Toute représentation, et donc toute image, est à la fois expression et perception. En cela, l’image est l’instrument privilégié d’une culture et d’une civilisation. C’est ainsi que l’image, en tant que symbole, occupe une place importante dans toute civilisation traditionnelle, comme le montre la figuration des icônes chrétiennes ou la calligraphie islamique. Mais le symbole n’est pas limitation, malgré les limites propres à sa forme. Il est, tout au contraire, support de contemplation et ouverture sur l’Infini, sur la connaissance des archétypes universels qu’il voile et révèle à tour de rôle. De ce fait, l’image est aussi l’expression de l’artiste et de l’artisan qui savent s’élever au-dessus de leur individualité pour exprimer visuellement certains des aspects de la Réalité métaphysique.
D’un autre côté, la société occidentale contemporaine paraît elle aussi attachée aux images. Pourtant, les images qu’elle propose, qu’elles soient photographiques ou conceptuelles, correspondent toujours à une vision étroite, mentale, et donc individuelle, c’est-à-dire coupée de toute réalité transcendante et universelle. Ce modèle de représentation ne s’attache qu’aux aspects les plus spectaculaires, les plus extérieurs et les plus contingents des choses.8
L’idée selon laquelle la femme, dans la religion islamique, représenterait une entité à part, n’aide certes pas à présenter une image réelle et équilibrée de la condition de la femme musulmane en islam. Il semble, en fait, que l’on veuille opposer l’islam à la femme, de la même façon que l’on veut opposer l’islam à l’Occident, en donnant ainsi l’impression d’une incompatibilité des termes et des juridictions. Nous ne comprenons pas pourquoi on insiste tant pour présenter l’image d’une femme quotidiennement oppressée par certaines situations, tandis que l’homme serait de son côté affairé à d’autres devoirs, l’une et l’autre se retrouvant ainsi chacun isolé dans son propre monde. Il semble alors d’usage de penser que l’homme musulman et la femme musulmane ne s’entraident pas, pas même entre mari et femme !
Le monde occidental tente d’élargir la connaissance qu’il a des femmes musulmanes, par le biais d’études qui s’appuient sur trois sources principales : les enquêtes statistiques, certains textes d’auteurs modernes portant sur l’histoire, les normes juridiques, les us et coutumes, et, enfin, le témoignage direct.
Les enquêtes statistiques, lorsqu’elles sont appliquées à l’islam, servent à faire émerger, presque constamment, une situation négative. Par exemple, en traitant du taux de scolarisation féminine, on prend toujours soin de considérer seulement les pays dans lesquels le taux de scolarisation est effectivement très bas, tout en omettant de citer les autres pays. En ce qui concerne les statistiques relatives aux pays européens, et en particulier à l’Italie, il faut savoir qu’elles prennent surtout en compte les femmes immigrées, et plus précisément celles qui vivent des situations difficiles.
Ce type de communication faussée risque de se transformer en désinformation. Vouloir seulement associer l’immigration à l’islam ne facilite pas le processus d’intégration, parce que l’on identifie alors ce qui est différent de nous avec « l’étranger ». Au contraire, la présence de musulmans occidentaux, en Europe, peut justement constituer un point de convergence entre des cultures et des civilisations différentes, mais qui ne sont pas, pour autant, éloignées. En outre, le fait de se concentrer sur les aspects négatifs, sur les difficultés et sur les dégénérescences, qu’il est néanmoins nécessaire de connaître pour pouvoir les combattre, n’aide en rien les femmes qui se trouvent réellement en difficulté, et que l’on prétend pourtant, avec tant d’ostentation démagogique, vouloir aider.
La cause de ces problèmes n’est autre que l’ignorance diffuse que certains, hommes et femmes, ont de la Tradition à laquelle ils appartiennent. En effet, seule une connaissance authentique de la Tradition permet de s’insérer sereinement et harmonieusement dans une société plurielle, tout en conservant son identité religieuse propre.
Il est donc souhaitable que l’on puisse sortir de ce cercle vicieux qui veut que l’islam ne soit abordé qu’à travers des situations négatives continuant à alimenter tous les préjugées possibles. En procédant ainsi, les femmes musulmanes qui vivent des situations difficiles ne peuvent trouver des références positives et constructives dans leur propre religion.
Pour renverser cet état de fait, il suffirait pourtant de prêter attention à ces millions de musulmans, hommes et femmes, qui vivent dans le reste du monde, où ils travaillent, interagissent avec les autres et prient, de façon tout à fait naturelle. Cette population n’est pas prise en considération, parce qu’elle représente une normalité qui n’entre pas dans les statistiques. Cette population ne cherche pas les feux des projecteurs, peu consciente de l’importance de sa simplicité, ce qui ne signifie pas arriération. Elle rentre difficilement dans les catégories sociologiques, mais, tout bien considéré, représente réellement les muslimûn, les musulmans, ceux qui sont soumis à Dieu dans la Paix.
La deuxième source utilisée pour la rédaction d’études sur la condition de la femme musulmane est constituée de livres, généralement en anglais et en français. Dans certains pays européens, par exemple en Italie, ce n’est que depuis peu que l’on commence à étudier l’islam, la plupart du temps en tant que phénomène social : dans les universités européennes, on présente de plus en plus de thèses et de recherches sur ce thème, mais la bibliographie dans la langue même du pays est plutôt limitée (mis à part pour la France et l’Angleterre). Pour ceux qui s’intéressent aux études coraniques et à la sunna, par exemple en ce qui concerne le droit familial, s’ouvre effectivement devant eux un nouveau monde, inattendu, dans lequel les préjugés sont apaisés, calmés, et laissent la place à la complexité et à la finesse des argumentations.
En examinant, d’un point de vue islamique, les études mentionnées plus haut, on remarque un étrange mécanisme qui risque de devenir inexorable. Dans beaucoup de ces études, on tente de démontrer le décalage qui existe, dans certains cas, entre les prescriptions du Coran, désormais appréhendées positivement et dont on reconnaît l’équité et la justice, et les applications défaillantes, voire les déformations, qu’en font quelques musulmans. Certains chercheurs contemporains préconisent alors une réforme de l’islam, qu’ils considèrent comme une maladie ou une culture sous-développée. Ce désir de réforme ne tient pas compte de la vitalité régulière et orthodoxe qu’incarne la spiritualité exprimée par la majorité des fidèles, ni ne prend en considération le riche patrimoine intellectuel et spirituel dont sont dépositaires de nombreux savants, que ce soit en Orient ou en Occident. Les chercheurs réformistes oublient que c’est justement ce courant traditionnel qui a assuré la continuité, durant quatorze siècles, de la civilisation islamique, qui ne s’identifie pas seulement à un vaste empire, mais aussi à une civilisation au sein de laquelle les minorités ont vécu et vivent encore, même dans les pays non islamiques, avec d’autres peuples et d’autres croyants.
En somme, il n’est pas concevable, humainement parlant, qu’une civilisation qui fait de la famille « la clé de voûte » de la société et de la communauté, ait pu progresser et prospérer durant des siècles, si les femmes avaient été effectivement et exclusivement traitées comme certains chercheurs voudraient nous le faire croire.
Pour celui ou celle qui veut approfondir la Tradition islamique, comme l’histoire passée et contemporaine de la civilisation musulmane qui s’est développée jusqu’à nos jours, toute la question réside dans le choix des sources de référence. Peut-être cette recherche est-elle plus immédiate pour un musulman, parce qu’il sait qu’il ne devra pas seulement se rendre dans une librairie ou naviguer sur internet, mais plutôt se référer à la sagesse transmise oralement par les savants et les maîtres présents dans tout le monde islamique, et qui est parvenue jusqu’en Occident. Il ne s’agit pas de l’héritage d’une sagesse cachée et mystérieuse, mais plutôt d’une sagesse sauvegardée par des hommes qui ont su saisir les aspects vivants et éternels des enseignements du Coran et de la sunna. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de s’en référer prioritairement à des sources fiables, c’est-à-dire à des témoins de la Tradition islamique authentique, suffisamment qualifiés pour représenter réellement la communauté, au lieu de s’adresser à des individus choisis au hasard dans la rue ou en marge de la communauté, lesquels ne représentent que des opinions et des positions tout à fait personnelles.
Malheureusement, ces derniers temps, on ne relève pas une réflexion claire quant au choix des interlocuteurs musulmans, de la même façon que l’on ne tire pas profit du témoignage des femmes interrogées pour mieux connaître leur condition de vie en islam. On choisit systématiquement une femme étrangère qui connaît peu la langue nationale et la culture européenne, ou alors des musulmanes européennes qui expriment de manière extrême, pour ne pas dire extrémiste, certains aspects de la religion. En définitive, on ne sort jamais d’un « islam » défini comme « ethnique », à l’égard duquel on éprouve tendresse ou peine, en somme de la pitié, ou d’un « islam » extrémiste, idéologique, qui parle dans une langue européenne mais qui reste dangereux. On n’entend jamais, dans tout cela, la voix des femmes musulmanes modérées, étrangères ou européennes, qui sont capables d’exprimer la dimension de la foi avec naturel, sans excès, artifices ou ostentation.
Les trois sources principales que nous avons voulu identifier à travers les statistiques, les livres et les témoignages directs, si fondamentales pour les recherches actuelles sur la femme musulmane dans le monde occidental, servent surtout à élaborer une étude de cas qui, bien qu’ayant une certaine raison d’être, risque d’être complètement privée de la composante essentielle qui repose sur la relation avec le divin.
Une tradition prophétique, qui fonde et inspire toute la sunna, affirme que « les actes ne valent que par les intentions. »9 Par conséquent, plus l’approche, dans l’étude sur la femme musulmane, sera en mesure d’approfondir la réalité spirituelle, plus les résultats seront efficaces, ce qui permettra ainsi de dépasser les préjugés et de contribuer à améliorer la société, dans laquelle la présence des femmes musulmanes sera alors vécue comme une normalité et non comme une maladie qu’il faut traiter.
Du côté islamique, on cherche à renverser la perspective occidentale qui verrait dans l’islam la cause de tous les maux qui affligent la femme musulmane, en tentant de faire face aux multiples demandes d’éclaircissement. Cette démarche réactive a pour conséquence déconcertante d’accroître les doutes plutôt que de satisfaire les demandes. Nous assistons ainsi, ces dernières années, à la multiplication de livres et d’études sur la femme en islam, présentés par des auteurs d’ « origine musulmane », mais influencés par la mentalité orientaliste, qui analysent souvent de façon rationnelle tous les versets du Coran et toutes les normes juridiques touchant au « monde féminin ». Si, d’un côté, l’intentions des auteurs, hommes ou femmes, est de transmettre les prescriptions et les traditions relatives à la femme, de l’autre côté, ils s’efforcent d’apporter des réponses aux sollicitations obsessionnelles d’une certaine mentalité courante.
Dans la plupart des cas, les livres sur la femme en islam, tout comme certains journaux et certaines chaînes télévisées, par leurs analyses schématiques et leurs étiquettes faciles, perdent une vision unitaire, et empêchent toute possibilité de connaissance approfondie de la dimension naturelle et originelle de l’islam vivant, tel qu’il est possible d’en témoigner. Ils se conforment aux goûts pour l’artifice de la mentalité la plus courante, et à ce que l’on veut bien entendre. Il devrait pourtant sembler évident que la volonté de répondre à tout prix à des questions mal posées, parce qu’elles ne résultent pas d’un intérêt sincère pour la connaissance, prolonge indéfiniment la distance entre l’islam et l’Occident, entre les femmes musulmanes et les femmes occidentales.
L’islam, comme toute les Révélations, s’adresse indistinctement aux hommes et aux femmes, en prescrivant à chacun d’eux les mêmes rites, représentés synthétiquement par les cinq piliers. La clarté avec laquelle le Coran et la sunna, à travers le comportement du Prophète, s’adressent au « monde féminin », démontre l’absence d’une réelle problématique. Si la vie religieuse est la même pour tous, la vie sociale reflète par conséquent cette dimension d’unité et d’universalité, dans l’application harmonieuse des principes que la religion exhorte à mettre en pratique. Si, malgré tout, les hommes et les femmes ne sont plus capables de réorienter leur vie à la lumière de la religion, ce n’est certainement pas imputable à l’islam.
C’est pourquoi la volonté, y compris chez les musulmans, de diviser une réalité unitaire afin d’expliquer ou de justifier certaines attaques faites à l’islam, est des plus dangereuses. Par ce biais, le remède finit par devenir plus nocif que la maladie que l’on souhaite combattre, en créant deux islams artificiels : l’un masculin, l’autre féminin.
L’habitude récurrente consistant à séparer les différents domaines de la vie, afin de pouvoir les expliquer ou les approfondir, pour ensuite les réunir dans une synthèse artificielle, pose un problème méthodologique significatif quand il s’agit de connaître l’islam et, par conséquent, la femme musulmane. En effet, la doctrine de l’Unité, qui occupe une place centrale dans l’islam, s’applique à tous les aspects de l’existence, aussi bien au niveau des principes qu’au niveau des contingences pratiques. Cette unité essentielle constitue le fondement de toutes les relations entre les créatures et avec leur Créateur. La vie d’un fidèle musulman consiste à se tourner ainsi constamment vers Dieu par la reconnaissance de l’immanence divine en ce monde.
Le saint Coran révèle : « Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu. »10 Pour le croyant, il n’y a pas de distinction entre vie mondaine et vie religieuse ; tout est naturellement consacré à Dieu. Ainsi, la recherche de l’Unité consiste à voir Dieu en toute chose, en intégrant les différents plans de l’existence dans une dimension sacrée, unique. De cette façon, la réalité de la vie se manifeste, pour un musulman, dans ce mouvement cyclique qui réunit constamment le Principe avec Sa manifestation, la théorie avec la pratique, la contemplation avec l’action.
C’est le même principe de l’Unité qui prévaut pour les rapports entre homme et femme, ce que confirme le premier verset de la sourate « Les femmes » :
Ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’une seule âme, puis, de celui-ci, Il a créé son épouse, et a fait naître de ce couple un grand nombre d’hommes et de femmes.11
On voit bien, dans ce verset du Coran, qu’il n’y a pas, en principe, de problèmes liés à la séparation des sexes, problèmes qui se posent en revanche lorsque les hommes et les femmes ne réussissent plus à reconnaître l’Unité divine qui est à l’origine de leur existence, et par laquelle ils sont donc liés.
L’homme et la femme sont unis, tant dans leur principe même, parce qu’ils proviennent de la même âme, que physiquement. Selon la Tradition islamique, Eve prit forme à partir d’une côte d’Adam. Cette résultante physique exprime symboliquement une complémentarité providentielle et nécessaire entre les êtres. Dans le même temps, ce lien ontologique rappelle à tous les hommes et à toutes les femmes la possibilité d’être réunis à nouveau, à travers le mariage, et de réaliser cette « âme unique » qui transcende toute individualité et toute différence.
Cette « âme unique » lie deux créatures qui, en se rejoignant, reflètent l’Etre unique qui est à leur origine. Il est intéressant, à cet égard, de remarquer que, en arabe, langue sacrée de la Révélation, dans laquelle chaque lettre correspond à un nombre, l’expression Adam wa Hawwâ’, Adam et Eve, a la même valeur numérique que Allâh, soit littéralement : « le Dieu ». Homme et femme possède ainsi une dignité identique devant Dieu, en tant qu’ils constituent les deux aspects complémentaires d’un être unique, créé à Son image, et c’est pourquoi ils ont les mêmes possibilités de se réaliser spirituellement et d’accéder à la Connaissance. Sur le plan manifesté, ils peuvent naturellement assumer des qualités et des fonctions différentes qui leur permettent de conduire au mieux leur vie en ce monde.
Cette conscience des différences réciproques constitue le premier pas vers le rétablissement d’une harmonie que Dieu Lui-même a décrétée avec la création. Les fonctions terrestres de l’homme et de la femme n’ont pas été inventées ou imposées par l’un des deux êtres, mais elles reposent sur la correspondance entre l’ordre terrestre et l’ordre céleste. Il y a certainement une répartition des devoirs et des responsabilités qui incombent à chacun d’entre eux, mais les rôles et les fonctions apparaissent de façon naturelle, aussi bien au cours de la vie que dans l’application de la doctrine. La religion ne s’exprime pas en termes d’absence de capacités de l’homme ou de la femme, mais elle s’occupe du salut de l’âme des créatures qui doivent, selon le décret divin, tendre vers l’universel en assumant des fonctions complémentaires.
Le mariage et la famille
La réalisation de l’Unité divine, que ce soit en principe ou dans la vie quotidienne, est le rappel constant de l’islam aux hommes et aux femmes afin qu’ils réussissent à vivre religieusement chaque instant de leur existence. Nombreux sont les supports que la religion peut offrir, pour quiconque adhère librement à cette perspective. En effet, les traditions du prophète Muhammad touchent à tous les aspects de la vie, et notamment les questions concernant la famille.
Selon la tradition islamique, le lien de parenté ou de sang, rahim, est une réalité métaphysique qui existe dans le monde de l’Esprit, et qui établit le fondement même de la famille dans le monde. Une tradition affirme :
Je suis Dieu, le Clément, Ar-Rahmân. J’ai créé la parenté, rahim, et J’ai fait dériver son nom d’un de Mes Noms. Qui se lie avec elle, Je me lie avec lui ; qui se sépare d’elle, Je Me sépare de lui !12
Il est dit également que Dieu créa les êtres, et, quand Il eut achevé, la Parenté se leva et dit : « Ici est un lien et un lieu où l’on prend refuge en Toi. »13 La valeur de la famille ouvre ainsi la voie à une compréhension plus profonde de la signification du mariage islamique.
Le mariage est considéré comme un instrument pour préserver l’existence parce qu’il assure une descendance, et, avec ses règles, met à l’abri de certaines distractions. Contrairement aux lois élaborées et promulguées par les hommes, les prescriptions islamiques relatives à la vie conjugale ne se placent pas sur un plan moral, mais, comme toutes les réalités principielles, elles opèrent directement dans le monde manifesté, en agissant sur le cœur de ceux qui s’y conforment. En fait, les règles religieuses, au lieu d’imposer des fonctions spécifiques, sont faites pour susciter la conscience de certaines fonctions, qui permettent de retrouver, dans la conformité aux préceptes, la correspondance entre tous les plans de l’existence.
« Pas de contrainte en religion ! »14, révèle le Coran. De même, il ne peut y avoir de coercition dans le mariage, que la Tradition islamique considère comme un moyen pour faciliter l’existence des êtres. En outre, il n’y a pas de moralisme en islam, l’union matrimoniale y est conseillée afin de réaliser l’amour divin même qui créa Adam et Eve au commencement. C’est pourquoi il est dit que le mariage constitue la moitié de l’islam,15 puisqu’il offre aux hommes et aux femmes la possibilité de vivre au quotidien les principes de la religion qui allient la vie matérielle avec la pratique de l’adoration de Dieu.
Un grand théologien musulman du XIIe siècle, Abû Hâmid Al-Ghazâlî, auteur de pages remarquables sur les vertus du mariage, dans son œuvre monumentale intitulée La Revivification des sciences de la religion, écrit :
Le monde terrestre est comme une halte où s’arrêtent ceux qui sont dirigés vers Dieu, le Très Haut, le corps étant alors considéré comme un véhicule. Celui qui oublie de s’approvisionner en vue des haltes, ni son véhicule ni lui-même n’arriveront jamais à destination. En fait, celui qui n’est pas capable d’organiser les choses matérielles qui constituent la vie d’ici-bas ne sera pas en mesure de pratiquer l’ascèse et le dévouement à Dieu le Très-Haut, qui sont la voie à suivre. On ne peut atteindre de tels buts si le corps n’est pas sain et si la descendance n’est pas assurée : ce sont des moyens pour les conserver tous les deux, et pour les préserver de la corruption et de la destruction. Quant à la préservation de l’existence, les aliments et la boisson sont nécessaires au corps ; et pour garantir la descendance, c’est le mariage qui est requis. Autrement, n’importe quel aliment ou n’importe quel partenaire, pour des questions de règle naturelle, ne conviennent pas à n’importe qui. Si Dieu avait négligé d’établir une législation spécifique pour ces choses, les gens auraient sous-évalué la question, se seraient disputés et éloignés du droit chemin, ce qui les aurait condamnés à la destruction.16
En reconnaissant que la vie peut être guidée par Dieu dans chacun de ses aspects — ce qui correspond à la valeur de la sunna du prophète Muhammadnbsp;—, le fidèle est amené à bénéficier des dévoilements progressifs de la réalité, que la maïeutique divine utilise pour accroître la connaissance du fidèle. Al-Ghazâlî écrit encore :
C’est en endurant tout cela avec patience que l’on exerce son âme à dompter sa colère et à acquérir le meilleur des caractères. En effet, ni les vices, ni les défauts dissimulés de l’ego ne sauraient filtrer chez celui qui vit seul ou en compagnie de gens éduqués. Il est donc indispensable, à qui s’engage dans la Voie qui conduit à l’ultime Demeure, de soumettre son âme à l’épreuve en s’exposant à de semblables situations et de s’habituer à les supporter avec calme. C’est ainsi qu’il acquerra un caractère égal et maîtrisera son ego, en se purifiant de toutes les tendances blâmables qu’il porte en lui. En outre, bien que le fait de supporter une famille représente un véritable exercice spirituel et requiert un effort pénible pour la prendre en charge et subvenir à ses besoins, cela constitue de plus une œuvre d’adoration en soi. Voilà donc un dernier avantage du mariage ; mais seuls deux sortes d’hommes en tireront parti : soit le novice (qui s’engage dans la Voie en vue de lutter contre son âme égoïste par le biais d’exercices spirituels et de polir son caractère : rien n’exclut qu’il voie dans le mariage une discipline pour combattre son âme et la maîtriser) soit le serviteur ordinaire, qui n’a ni cheminement intérieur, ni aucune disposition pour la méditation ou l’intuition spirituelle, et qui adore son Seigneur avec son corps uniquement, que ce soit en accomplissant la prière, le Pèlerinage, ou tout autre rite. Celui-là retirera bien plus de mérite à travailler pour son épouse et ses enfants en leur assurant une subsistance licite et une éducation soignée, qu’en s’acquittant de façon mécanique (litt : par le biais du corps) d’actes cultuels dont les bienfaits ne s’étendent pas à un autre que lui-même.17
Le mérite particulier qu’Al-Ghazâlî attribue au soin que le fidèle doit apporter à sa famille par rapport à l’accomplissement des rites ne doit pas être interprété dans le sens d’une libération de la religion, mais plutôt comme une invitation à considérer les bienfaits divins dans tous les aspects de la vie, entendue comme vie religieuse, et à ne pas limiter la religion aux seuls actes du culte. L’attention qu’il porte à l’exercice de la transformation de l’âme est tout à fait significative, car c’est grâce aux épreuves de la vie, y compris la vie familiale, que l’âme pourra trouver cet équilibre et cette pureté auxquels tout croyant aspire.
C’est la raison pour laquelle la fonction de l’homme et de la femme, dans le mariage comme dans la vie, est principalement « active », dans la mesure où elle doit traduire, sur un plan pratique et de manière concrète, les qualités divines présentes en chacun. Cette même fonction s’accompagne d’une attitude réceptive, « passive », à l’égard de la seule volonté divine qu’il s’agit d’accomplir. Ce chemin spirituel, identique pour les hommes et pour les femmes, est facilité par l’union de leurs forces respectives dans le mariage ou, plus généralement, dans la famille et dans la communauté.
On croit souvent que le rôle de l’homme est actif tandis que celui de la femme est passif. Cette définition schématique et dichotomique de la communauté attribuerait alors des rôles de « série A » ou de « série B ». En réalité, le symbole du Yin-Yang18, dans la Tradition taoïste, nous montre comment les aspects complémentaires formés par le couple contiennent chacun une part de son complément, et enseigne que la véritable union ne peut se produire que grâce à une double intégration, intérieure et extérieure, entre les éléments de ce couple.
La réalisation de cette « fusion sans confusion » est également pour l’islam le but du mariage, qui est bien loin d’être un simple « contrat ». L’union entre mari et femme ne découle pas de la somme des qualités et des défauts de chacun, mais du dépassement par chacun de leurs caractéristiques individuelles, dépassement qui permet d’élever les complémentarités et les oppositions vers une synergie plus haute. Telle est, nous semble-t-il, la véritable finalité que tout mariage devrait viser.
Le mariage n’est pas un obstacle à l’adoration de Dieu puisqu’il est sauvegardé par les lois que Dieu a établies à ce sujet, et dans la mesure où les conditionnements, comme par exemple les nécessités matérielles liées à la prise en charge des proches, ne prennent pas le dessus.
Selon l’un des plus grands maîtres de l’islam, Hasan al-Basrî, « lorsque Dieu veut du bien à un serviteur, Il lui accorde de ne pas être distrait par une famille, ni par aucune richesse. »19 Ahmad ibn Abî al-Hawârî, commentant cette parole, ajoute :
Plusieurs maîtres, après quelques controverses au sujet de cette sentence, en ont finalement conclu qu’il ne fallait pas comprendre que le serviteur doive se passer d’une famille et de richesse, mais qu’il les possède sans se laisser distraire par eux du souvenir de Dieu.20
On comprend, dans cette perspective, les mots du prophète Muhammad, disant : « Celui qui, par peur du poids d’une famille, ne se marie pas, ne fait pas partie des nôtres. » Cela ne signifie pas que le mariage est une obligation, comme on le croit souvent. En fait, puisqu’il n’y a pas de monachisme en islam, la famille constitue l’un des moyens privilégiés pour sacraliser la vie dans son quotidien, de manière naturelle.
Dans son livre sur « les vertus du mariage », Al-Ghazâlî examine en détail les devoirs qui incombent au mari, rappelant en même temps qu’ils représentent autant de droits accordés à l’épouse. Les convenances qui s’y rattachent sont : la dot, le repas de noce, la bonne entente conjugale, la sollicitude, l’autorité, la modération dans la jalousie, les dépenses faites au profit de l’épouse, l’enseignement, l’équité vis-à-vis des co-épouses, les bons usages dans les rapports intimes et dans les naissances, et, enfin, la prudence dans l’utilisation de la répudiation.
La stabilité du mariage exige le bon caractère des conjoints. Selon une tradition prophétique :
A celui qui fait preuve de patience devant le mauvais caractère de son épouse, Dieu accordera une récompense équivalente à celle accordée à Job pour les épreuves qu’il a subies. Quant à celle qui fait preuve de patience devant le mauvais caractère de son mari, elle aura, de la part de Dieu, une rétribution égale à celle qu’obtint Assya, l’épouse de Pharaon.21
Al-Ghazâlî inscrit la bonne entente conjugale parmi les devoirs du mari, et insiste sur la responsabilité qui pèse sur l’homme en ce qui concerne le maintien de l’harmonie familiale, en rappelant à ce propos que Dieu déteste l’homme qui se montre dur avec les siens, et qui a une très haute considération de sa propre personne.
Le Coran permet à un homme d’épouser jusqu’à quatre femmes, à la condition qu’il fournisse à chacune d’entre elles une demeure et les entretienne à mesure égale. En outre, les versets du Coran recommandent à l’homme d’aimer ses femmes avec équité, sans privilégier les unes par rapport aux autres, tout en l’avertissant que cela lui sera très difficile. La pratique de la polygamie, bien qu’étant admise, est ainsi découragée en raison de la difficulté de maintenir l’équité entre les épouses.
Dans les pays islamiques, la situation est très variable : dans certains, la polygamie a été abolie, dans d’autres, elle est devenue depuis longtemps rare ; mais ce type de mariage n’empêche pas, pour ceux qui sont en mesure de le pratiquer convenablement, d’y trouver une occasion de connaissance et d’amélioration de soi.
Il n’est pas inutile de rappeler, à cet égard, que la première épouse a la possibilité de subordonner le contrat de mariage à une clause stipulant qu’elle soit l’unique épouse. Il arrive souvent que la femme musulmane consente au désir du mari de se remarier, dans le cas où elle ne pourrait lui garantir une descendance.
On est donc bien loin ici de l’image du musulman libertin vivant avec ses innombrables épouses sous le même toit ; cette image n’est que le fruit d’un imaginaire lié à l’amour romantique, et non à la notion de noblesse de l’amour qui se trouve en réalité dans l’islam. Le musulman doit avoir, avec chacune de ses épouses, un comportement non seulement équitable mais aussi exclusif, comme si chacune d’elle était l’unique, et sans aucune forme de promiscuité.
A ce propos l’imâm Al-Ghazâlî commente :
Or notre Prophète — sur lui la grâce et la paix — avait une telle force, et il sut à la fois concilier les vertus de l’adoration et les mérites du mariage. Aussi ni ses neuf épouses, ni le commerce qu’il entretint avec elles ne l’empêchèrent-ils jamais de se vouer totalement à Dieu. De la même manière, celui qui ne s’occupe que d’affaires de ce bas-monde ne s’en détourne jamais, même lorsqu’il satisfait un besoin quelconque : en apparence, on le voit attaché à cette occupation, mais au fond de lui son cœur reste captivé par ce qui le préoccupe réellement, et il ne réfléchit qu’à l’affaire en cours ! L’Envoyé de Dieu — sur lui la grâce et la paix — occupait un tel rang [spirituel] (daraja) qu’aucune affaire de ce monde n’aurait pu détourner son cœur de la Présence divine. C’est pourquoi la Révélation lui fut accordée jusque dans le lit de son épouse [‘A’ishâ] : à qui d’autre que lui une telle dignité fut-elle jamais conférée ? N’est-il pas normal que ce qui vienne troubler de menus ruisseaux ne puisse affecter une vaste Mer ? Aussi n’est-il pas séant de comparer notre Prophète à un simple mortel.22
Une autre pratique liée au mariage, qui mérite attention, est celle de la répudiation. Celle-ci, s’il est vrai qu’elle est évoquée par le Coran dans les cas où elle s’avèrerait nécessaire, doit répondre à des règles légales précises. Bien qu’elle soit permise, elle reste toutefois fortement déconseillée, au point d’être considérée comme l’un des actes les plus exécrables aux yeux de Dieu. La répudiation est un moyen à utiliser avec prudence dans les cas extrêmes, en portant toujours une attention particulière aux enfants et à l’épouse elle-même. À ce propos, le Coran révèle :
Quand vous aurez répudié vos femmes, et qu’elles auront atteint le délai fixé, reprenez-les d’une manière convenable, ou bien renvoyez-les décemment. Ne les retenez pas par contrainte, vous transgresseriez les lois. — Quiconque agirait ainsi se ferait du tort à lui-même — Ne considérez pas les Signes de Dieu en plaisantant. Souvenez-vous des bienfaits de Dieu à votre égard et de ce qu’Il vous a révélé du Livre et de la Sagesse, par lesquels Il vous exhorte. Craignez Dieu ! Sachez qu’en vérité, Dieu sait tout.23
Si vous éprouvez de l’aversion pour elles, il se peut que vous éprouviez de l’aversion contre une chose en laquelle Dieu a placé un grand bien.24
La Tradition islamique consent aux conjoints la possibilité de rompre le mariage, d’un commun accord, tout en fournissant des aides pour favoriser la réconciliation entre les conjoints, par exemple, une période d’attente obligatoire avant la séparation, ou la nomination d’un parent pour chacune des deux parties, qui aidera à dépasser les divergences les plus graves.
En islam, même pour cette épreuve de la vie, on essaye de renforcer l’unité de la famille plutôt que favoriser sa division. En outre, la sharî‘a, la Loi islamique, donne à la femme la possibilité de demander l’annulation du mariage par la restitution au mari de la dot que celui-ci lui avait donnée à l’occasion du mariage. Parmi les motivations légalement acceptées, on trouve, par exemple, le non-respect par le mari de ses responsabilités.
Al-Ghazâlî affirme :
On rapporte également que le père de famille qui fuit femme et enfants à un statut comparable à celui de l’esclave en rupture de ban (al-âbiq) : ni ses prières ni son jeûne ne sont acceptés jusqu’à ce qu’il soit revenu auprès des siens. Et l’on peut en dire autant du chef de famille qui, tout en restant parmi les siens, ne remplit pas ses obligations.25
Parmi les obligations du mari envers sa femme, on peut citer la subsistance de la famille. La femme est donc soulagée de cette charge, puisque l’entretien de la famille revient entièrement à l’époux. Cela ne signifie pas qu’elle est empêchée de travailler ou de s’accomplir professionnellement. Il n’existe, en réalité, aucune norme légale ou de principe allant en ce sens. En réalité, la femme a la possibilité de ne pas nécessairement travailler pour vivre, en ayant ainsi le droit de dépendre de la responsabilité de son mari. Néanmoins, l’épouse garde l’autonomie de gestion financière des biens qu’elle possédait déjà avant le mariage, de la dot ainsi que d’éventuels héritages.
De tout temps, dans la société traditionnelle, les aspects relatifs au travail et à la famille ont toujours été intégrés, sans scission ou antagonisme entre les deux milieux. C’est plutôt le fonctionnement de notre société moderne qui demande à la femme de n’opter que pour certaines possibilités contingentes, ou alors de devoir les concilier avec peine. De fait, seule la femme a reçu la possibilité de porter en son sein une nouvelle vie. Ce privilège féminin renouvelle miraculeusement la Création de Dieu, qui requiert la participation de tout son être dans un processus qui, s’il est vécu comme une expérience authentiquement spirituelle, loin d’être automatique et garantie, la transforme profondément et radicalement.
Les enfants représentent le fruit de l’union des parents, qui les reflète et les dépasse tout à la fois. La descendance est ainsi l’expression naturelle d’une hérédité spirituelle qui ne se perd pas avec l’écoulement du temps.
Selon une tradition prophétique, « le fils qui meurt avant ses parents les emporte au Paradis »26, ce qui montre bien la force que la transmission des valeurs traditionnelles exerce sur les parents eux-mêmes. Faisant référence au hadîth : « il est meilleur pour un homme de perfectionner l’éducation de ses fils plutôt que de faire une aumône »27, Al-Ghazâlî soutient que si les enfants sont dirigés sur la voie du bien, les parents obtiendront, dans ce monde comme dans l’Au-delà, une récompense qui sera partagée avec eux. Si, à l’inverse, les parents ont négligé leurs enfants et leur ont appris à mal agir, alors les parents seront responsables pour l’offense causée aux enfants. L’efficacité et les bénéfices de la méthode traditionnelle dans l’éducation des enfants se manifestent lorsque les enseignements des deux parents témoignent d’une voix unique qui s’efforce d’exprimer aux enfants la voix de Dieu.
L’islam offre donc la possibilité de ce véritable miracle qu’est la descendance, en garantissant à la femme le plein soutien spirituel et matériel de son mari. C’est en protégeant cette unité familiale que la femme pourra trouver un travail si elle en ressent le désir ou si les nécessités de la famille le requièrent.
Le préjugé classique, que l’on entend de façon récurrente, qui assigne à l’homme le devoir de travailler et à la femme celui de penser à la maison et aux enfants, est loin de pouvoir se vérifier en islam. Elle est d’ailleurs plutôt caractéristique d’une morale laïque et puritaine. En fait, cette division en compartiments étanches est restrictive pour les musulmans. Non seulement parce que les exemples qui pourraient réfuter cette idée fausse sont nombreux, mais aussi parce que rien n’empêche la femme de participer à la vie publique. Au même titre, l’éducation des enfants ne relève certainement pas du seul devoir de la mère, l’homme étant tenu lui aussi d’y participer activement.
Les exemples de « femmes à l’œuvre » abondent dans l’histoire sacrée de l’islam, en premier lieu dans la famille même du prophète Muhammad. Beaucoup de femmes pieuses parmi la communauté de Médine travaillaient, moins pour soutenir la famille — charge dévolue avant tout à leur mari — que pour contribuer par des actes volontaires d’aumône à la subsistance du nombre, toujours plus important, de pauvres et de réfugiés. Le mérite de ce travail « surérogatoire » est expressément mentionné dans l’histoire sacrée de l’islam. Dans la Bible, c’est à partir du moment de la chute du Paradis qu’est imposé à Adam le fardeau de devoir « gagner sa nourriture à la sueur de son front », tandis qu’Eve est destinée à devoir « enfanter dans la douleur ». Il est naturel que l’homme et la femme désirent fuir devant un tel destin, soit en vue d’une préfiguration du retour à cet état primordial où Dieu est Seul pourvoyeur de la subsistance de Ses créatures, soit en raison d’une irréductible inclination à la désobéissance dont Dieu n’a pas voulu rendre exempt l’homme, justement pour lui accorder le mérite attaché à la récompense de ses actes d’obéissance.
Ainsi, s’il est assez compréhensible que la femme dite « émancipée » n’accepte pas d’ « enfanter dans la douleur », il est en revanche plutôt curieux qu’elle ressente le besoin de revendiquer le droit à « gagner sa nourriture à la sueur de son front » par souci d’égalité avec la condition masculine, alors que l’économie traditionnelle de la famille islamique, en principe, loin de refuser à la femme cette possibilité, n’en fait simplement pas une obligation. Le devoir d’épouse et de mère, pour la femme, serait déjà aux yeux de Dieu un travail suffisant grâce auquel une femme soutenue par une intention de connaissance pourrait gagner la récompense du retour à l’état primordial.
Il s’agit alors, pour la femme moderne, d’établir ses priorités, économiques et sociales, éventuellement en rapport avec sa situation religieuse, laquelle, comme nous venons de le voir, ne prévoit pour la femme ni l’interdiction, ni l’obligation absolues de travailler.28
La famille islamique n’est pas simplement « patriarcale », comme la définit l’anthropologie moderne. Elle est plutôt comprise comme une famille « naturelle », dans le sens où chacun assume naturellement sa propre fonction, qui n’est ni en contraste, ni en retrait par rapport aux autres. L’homme n’est donc pas le « patron » de la famille, mais il est l’autorité directrice et le pilier de celle-ci, avec les devoirs et les responsabilités qui en découlent. L’homme se porte garant de l’enseignement,29 de l’intégrité religieuse et de l’entretien matériel de sa famille ; de cette façon, il devient le garant aussi bien de la nourriture spirituelle que de la nourriture matérielle, la seconde étant le reflet de la première, sur un plan différent.
Selon le Coran, l’homme répondra devant Dieu de ce dont il a été chargé en vertu de la préséance que Dieu lui a accordé par rapport à la femme. Il ne s’agit ni pour l’homme ni pour la femme d’occuper une position de pouvoir personnel, mais plutôt de reconnaître l’autorité d’une hiérarchie qui vient d’en haut, de Dieu Lui-même. Si, malgré cela, il manque à l’homme la capacité de s’élever lui-même pour être guidé par Dieu, et conduire par conséquent sa propre famille, la cause n’est pas à rechercher dans la religion, mais plutôt chez les hommes, qui ne sont plus conformes à leur prédisposition ontologique.
Le Coran déclare l’égalité des âmes de l’homme et de la femme, assignant tout de même à l’homme le devoir de gardien et de guide de la femme. La supériorité relative de l’homme ne légitime donc pas une conception de l’infériorité de la femme, dans le sens où il manquerait des capacités à la femme, justifiant une discrimination sociale, et elle ne légitime pas non plus une autre conception qui autoriserait la possession de la femme par l’homme. La Tradition islamique rapporte, en effet, parmi les dernières recommandations que fit le Prophète à sa communauté, avant de disparaître, l’avertissement suivant : « Craignez Dieu en ce qui concerne les femmes. Vous les avez eues en garde par Dieu. »30
L’autorité du mari est donc fonctionnelle afin de préserver la famille. Elle représente également un frein aux faiblesses aussi bien du mari que de l’épouse. Pour l’homme, l’adhésion à une fonction de guide faisant autorité est un rappel à assumer ses propres responsabilités, pour vaincre ainsi les aspects négatifs de la nature masculine, comme par exemple l’indolence. Pour la femme, au contraire, la reconnaissance d’une autorité peut être un moyen de dépasser les aspects plus subtils de sa propre nature, pour réaliser concrètement les qualités qui la caractérisent.
L’autorité est néanmoins insuffisante en elle-même si elle n’est pas adoucie par l’amour et éclairée par la connaissance, indispensables à une union réussie. Le juste milieu est toujours recommandé par la Tradition islamique qui valorise l’intelligence, le bon sens, mais également le libre arbitre, afin de rechercher une justice supérieure.
En somme, précise Al-Ghazâlî, c’est la justice qui maintient en place les cieux et la terre, et tout ce qui dépasse la limite qui lui est assignée se change immanquablement en son contraire.31
La femme a donc le devoir de soutenir son époux dans l’exercice de son autorité, lui inspirant courage et le rappelant à la cohérence que cette fonction implique. Ainsi, la soumission de la femme n’est pas passive et aveugle, comme d’ailleurs celle de l’homme ne doit pas non plus l’être devant les épreuves de la vie. Sa soumission est plutôt active, et consciente de la valeur qu’un homme intègre et viril peut apporter en retour à toute sa famille.
Il est alors nécessaire de comprendre que les nombreux apports de la femme dans la famille ne peuvent être catalogués ou énumérés comme s’il s’agissait d’ingrédients pour préparer une bonne recette de cuisine. L’analyse des droits et des devoirs de chacun devient futile si l’on ne considère pas, en premier lieu, les vertus, qui, à l’aide des bénédictions attachées à une vie religieuse, constituent une base solide sur laquelle on peut construire son présent et son avenir. De telles vertus auront d’autant plus de valeur dans la mesure où le mari et l’épouse sauront contribuer à la réalisation non seulement de leurs propres « talents » mais aussi de ceux de l’aimé.
En outre, il paraît évident que le mariage sera d’autant plus béni, si les époux se soutiennent dans la foi, et tout le reste n’en sera que la conséquence naturelle. Une tradition prophétique affirme :
Qui n’épouse une femme que pour sa fortune et sa beauté se verra privé de l’une comme de l’autre ; mais qui épouse une femme pour sa religion, Dieu le gratifiera en sus de la beauté et de la fortune de celle-ci.32
La Tradition islamique ne manque pas de rappeler les dangers qui peuvent dériver du mariage et de la vie familiale. À titre d’exemple, nous citerons encore le hadîth suivant :
Viendra un temps où la ruine de l’homme sera le fait de son épouse, de ses parents et de ses enfants : ils lui feront honte de sa pauvreté et le chargeront de toutes sortes d’exigences qu’il ne pourra satisfaire, si bien qu’il se mettra dans des situations qui lui feront perdre sa religion et le conduiront à sa perte.33
C’est à cette époque que nous pensons être désormais arrivés, où la famille disparaît lentement, et la communauté même ne peut que ressentir cette perte. Mettre à nouveau en avant la valeur de la famille traditionnelle ne signifie pas retourner au passé, mais simplement sortir des dilemmes où se trouve la famille contemporaine, en retrouvant une insertion plus naturelle dans le monde. Le mariage n’est pas une obligation, mais il offre certaines occasions providentielles que chacun peut saisir.
En même temps, c’est justement la vie qui nous montre combien est loin de la réalité le sentimentalisme auquel les moyens de communication et une certaine littérature nous ont habitués. Dans l’islam, l’amour qui lie l’homme et la femme est manifesté par Dieu à travers Ses signes pour que les êtres puissent méditer sur la Toute-puissance divine.34
Le mariage représente ainsi la voie de l’amour spirituel où le conjoint devient le miroir de Dieu, et l’amour pour lui le reflet de l’amour divin. Là est, en réalité, le véritable ressort qui nous fait avancer, et qui peut donner une stabilité à nos élans, il s’agit seulement de le reconnaître. […] Il y a eu des sociétés où la connaissance de Dieu était le but unique de l’existence de l’homme. Celui-ci était alors bien conscient de la signification de la vie et de l’opportunité spirituelle que cela représentait. C’est dans cette même optique que le mariage était considéré et les formes de sentimentalisme, qui aujourd’hui voilent la réalité des choses en donnant une vision illusoire, étaient alors pratiquement inconnues ou en tout cas certainement pas reconnues en tant que telles. Ce qu’un mari ou une femme souhaitaient surtout, c’était qu’eux-mêmes et leur conjoint sachent incarner au mieux les Qualités divines qui leur sont propres afin que ceux-ci puissent réciproquement contempler Dieu l’un dans l’autre, et être se soutenir dans l’ascèse spirituelle.35
L’actualité du passé des femmes de l’islam
Pour conclure cette section consacrée aux femmes musulmanes, il nous semble intéressant d’arrêter notre réflexion sur certaines figures importantes de l’histoire sacrée de l’islam. La Tradition islamique accorde une grande importance à l’exemple universel de Sarah, Agar et Marie, de même qu’à l’histoire des femmes du Prophète.
La diversité de caractères, de qualité, d’âge et de religion des femmes du Prophète est une source surprenante, où l’on peut puiser la connaissance de l’universalité et de la richesse de l’apport féminin à la vie. Au sein de la communauté musulmane naissante, le Prophète lui-même donna l’exemple d’une vie familiale unie dans la multiplicité du quotidien. La richesse et la pauvreté, la polygamie et la monogamie, représentent des contingences que le Prophète, selon une maïeutique divine, transforma en occasion de connaissance à l’intention de la communauté en tout temps.
Comme nous l’avons dit précédemment, le modèle excellent pour les musulmans reste donc Muhammad, tandis que ses épouses expriment la variété des caractères et des nuances de l’univers féminin qui a été sublimé et valorisé par la bénédiction prophétique. Les épouses les plus connues, Khadîja et ‘A’isha, apparaissent à deux périodes différentes de la vie du Prophète, la première à La Mecque, durant laquelle Khadîja est l’unique épouse et, l’époque suivante à Médine, avec ‘A’isha et les autres épouses. Ces deux moments restent intimement liés, à tel point que les fruits des enseignements de la vie du Prophète avec Khadîja imprégneront également la vie à Médine. Ce n’est pas un hasard si toutes les traditions prophétiques sur la vie de Khadîja sont rapportées par ‘A’isha.
Le Prophète Muhammad fut très touché par la mort de sa première épouse, Khadîja, qui survient alors que les oppositions des Mecquois s’aggravaient, se traduisant par de terribles persécutions. La possibilité d’un nouveau mariage apparaissait alors bien lointaine, et le caractère doux et serein du Prophète semblait cacher une tristesse inhabituelle. On rapporte qu’une femme proche de Muhammad vint à connaître cette tristesse, par l’intermédiaire de son mari. Elle réfléchit attentivement à la question, puis alla trouver le Prophète, et lui dit :
Envoyé de Dieu, pourquoi ne te remaries-tu pas ? Mais avec qui ? demanda le Prophète. Si tu veux, il y a aussi bien des jeunes filles que des veuves, répondit-elle. Si tu permets, je pourrai t’en parler. Qui est la jeune fille et qui est la veuve ? Quant à la jeune fille c’est ‘A’isha, la fille de celui que tu aimes le plus parmi les hommes. Et quant à la veuve c'est Sawda, fille de Zam‘ah, elle croit en toi et te suit. D’accord, dit le Prophète, parles-en alors à leurs tuteurs.36
Les sources qui relatent la vie de ‘A’isha mettent en évidence les exceptionnels dons intellectuels dont elle avait été gratifiée dès son enfance. Fille d’Abû Bakr, le premier calife, elle naquit à La Mecque vers la fin de la quatrième année de la Révélation coranique, apprenant par son père le goût pour la parole de Dieu. À huit ans, elle fit partie de la communauté mecquoise qui émigra vers Médine, et, des années plus tard, aucun homme ou aucune femme, jeune ou ancien, ne savaient décrire l’émigration avec autant de précisions que ne le faisait ‘A’isha. Arrivé à Médine, le Prophète l’épousa alors qu’elle avait à peu près neuf ans.
Les détails concernant l’âge de ‘A’isha sont intentionnels, et peuvent certainement provoquer la stupeur quand à son jeune âge. Les raisons profondes doivent être recherchées dans la providence divine, qui se manifestera progressivement tout au long de la vie de cette femme exceptionnelle. La jeunesse de ‘A’isha et ses grandes qualités lui permirent de vivre aux côtés du Prophète, apprenant et grandissant avec ses enseignements. La pureté de l’enfance et son éducation traditionnelle élevèrent ‘A’isha à un rang éminent.
Les qualités dont Dieu lui fit don se manifesteront par une mémoire vive et une vivacité intellectuelle qui lui permirent d’interagir et de communiquer continuellement avec le prophète Muhammad, et de transmettre fidèlement les enseignements prophétiques après la mort de celui- ci. Les savants reconnaissent en ‘A’isha non seulement l’harmonie due à une intimité avec la personne du Prophète, mais également une affinité particulière avec la Révélation même, au point qu’elle fut l’unique épouse à participer au côté du Prophète à des moments particuliers de communication divine.
L’élan de ‘A’isha vers la source de connaissance que le Prophète représente se traduisait par l’adhésion entière à suivre, dans la pratique, le comportement de l’Envoyé de Dieu. Elle partagea avec lui beaucoup d’aspects de son quotidien, parmi lesquels la retraite spirituelle, le jeûne et la prière.
La vie de la communauté de Médine, au bout de quelques années, vint à être prospère, cependant, bien que les coffres de la cité fussent pleins, le Prophète continua à mener une vie parcimonieuse et ascétique, au point de ne pas même avoir de quoi se nourrir. Ces renoncements, qui provoquaient chez les compagnons stupeur et préoccupation, étaient compris et vécus par le Prophète et par ‘A’isha, comme le détachement naturel des biens matériels, dont le manque ne perturbait pas leur aspiration vers l’Autre monde, ni l’accomplissement de leur fonction dans ce monde.
‘A’isha partagea, en outre, deux voyages avec le Prophète, ce qui confirme le fait que les femmes participaient activement à tous les aspects de la vie. On raconte que, un jour, un homme invita à dîner le Prophète, lequel demanda si cette invitation concernait également ‘A’isha. Devant la réponse négative de l’homme, le Prophète refusa l’invitation. Une seconde invitation lui fut adressée qui incluait ‘A’isha, et le Prophète accepta.
La disparition du prophète Muhammad survint alors qu’il se trouvait dans les bras de ‘A’isha, qui avait alors à peine dix huit ans, et une longue vie devant elle. L’âge providentiel de ‘A’isha prit tout son sens pour l’avenir même de la communauté islamique, qui put bénéficier d’elle pour la transmission fidèle des traditions prophétiques et des interprétations de la loi sacrée. Nombreux sont ceux, adultes et jeunes, califes et imams, qui la consulteront, à la fois pour écouter le rappel des enseignements du Prophète, et pour résoudre des questions plus complexes. En outre, ‘A’isha s’opposa jusqu’à la fin de ses jours à toutes les fausses traditions prophétiques qui commençaient à se répandre. Sa remarquable mémoire et son amour pour la vérité lui furent d’une grande aide pour la poursuite de cette infatigable œuvre, qui lui valut le titre, qui était déjà celui de son père, de « Véridique ».
Sa longue vie de soixante-dix ans permit aux générations qui n’avaient pas directement connu Muhammad, de bénéficier d’un enseignement intègre, car seul un petit nombre, parmi les compagnons du Prophète, avaient alors survécu. ‘A’isha eut donc pour fonction de mettre en relation et de réunir deux époques, celle du Prophète et le milieu du siècle suivant, garantissant la possibilité d’une conservation du dépôt de sagesse reçu, et ce jusqu’à nos jours.
Il nous semble important, à ce stade de la réflexion, d’évoquer brièvement un épisode advenu après la mort du Prophète, qui marqua profondément la vie de ‘A’isha, et qui se rapporte certainement à sa fonction d’un point de vue strictement éducatif. Il s’agit du rôle politique que celle-ci joua après l’assassinat du troisième calife ‘Uthmân. Elle rassembla alors une armée pour venger la mort de ‘Uthmân, et pour réclamer justice afin que le quatrième calife ‘Alî, qui n’était pas impliqué dans la mort de son compagnon, fasse appliquer les lois prévues pour les assassins. Le grand respect de ‘Alî à l’égard de l’épouse du Prophète réussit, en partie, à éviter un affrontement désastreux, déjà présagé par le prophète Muhammad des années auparavant. En outre, cet épisode nous montre que le destin de la communauté islamique aurait pu être marqué par des luttes et des divisions si les croyants d’alors n’avaient pas essayé, communautairement et non individuellement, de se référer à la conduite éclairée du Prophète.
‘A’isha regretta toute sa vie d’avoir entrepris cette expédition à l’issue tragique, et elle considéra n’être pas digne d’occuper la place qui lui était réservée à côté de la tombe du Prophète. Cette tombe se trouvait dans l’ancienne maison du Prophète, et, plus précisément, dans la chambre même de ‘A’isha où Muhammad mourut. Par la suite, les sépultures d’Abû Bakr et de ‘Umar y furent disposées, laissant une quatrième place qui ne fut jamais occupée.
Il est significatif que le Coran attribue à toutes les épouses du Prophète le titre de « mères des croyants »,37 y compris à celles d’entre elles qui, à l’instar de ‘A’isha, n’eurent pas d’enfants. Les femmes du passé — et ‘A’isha en représente l’emblème — étaient conscientes d’être les gardiennes d’un patrimoine intellectuel et spirituel qu’elles partageaient avec les hommes, qui devait être rappelé et transmis jusqu’à la fin des temps. Cette transmission aux nouvelles générations constitue l’un des principaux efforts de la femme, qui peut se concrétiser également, mais pas seulement, par la procréation.
La grossesse, l’accouchement et l’allaitement manifestent un symbolisme profond, et préfigurent les étapes successives de la recherche, de l’effort et de la transmission sur la voie qui mène à une connaissance supérieure. Ce sont justement ces moments, uniques dans la vie d’une femme, qui peuvent représenter l’épreuve à dépasser pour prédisposer son âme, ce réceptacle pur, et la préparer à recevoir et à transmettre une éducation traditionnelle.
Nous pouvons ainsi affirmer que le titre de « mère des croyants » fut pour A’isha la réalisation de cette fonction à laquelle elle consacra sa vie entière, en dévoilant le message prophétique, aux croyants d’alors, comme à ceux d’aujourd’hui. Cette fonction à ce point élevée est le signe d’une profonde connaissance que ‘A’isha acquit durant sa vie aux côtés du Prophète. En effet, ‘A’isha témoigna directement de sa connaissance intérieure et extérieure du prophète Muhammad, elle qui affirma, lorsqu’on l’interrogea sur le caractère de son époux, que « son caractère était comme le Coran ». Elle eut accès aussi bien à la connaissance intérieure qu’à la connaissance extérieure, devenant elle-même, par conséquent, un instrument transparent pour y accéder.
Le Prophète dit un jour :
Parmi les femmes qui ont rejoint la perfection, les meilleures sont Marie et Khadîja.38
La sourate « La famille de ‘Imrân », nom arabe du père de Marie, révèle que l’élection spirituelle de cette dernière s’est manifestée à travers des signes miraculeux dès son plus jeune âge. En raison de sa grande dévotion religieuse, on construisit à son intention une petite chambre à côté du temple gardé par le prophète Zacharie, Zakariyyâ, où Marie put habiter. Chaque jour, le vieil homme, qui était également son tuteur, allait lui rendre visite pour s’enquérir de ce dont elle avait besoin, et chaque fois, il la trouvait pourvue en aliments. Lorsqu’il lui demanda qui les lui avait apportés, Marie répondit :
Cela me vient de Dieu, car Dieu prodigue sans compter Ses bienfaits à qui Il veut.39
Nous pouvons reconnaître dans cet épisode le signe de la pureté de Marie, dont la dévotion est telle qu’elle recevait sa subsistance directement de Dieu.
L’islam considère également Marie comme étant « élue parmi les femmes », exemple de dévotion sublime. L’élévation particulière de Marie est déterminée dès sa naissance, car elle fait partie de ces êtres qui n’ont pas été touchés par le Démon. C’est ainsi que Marie constitue un réceptacle immaculé pour recevoir l’Esprit de Dieu, Jésus, selon la définition du Saint Coran. Marie est la seule à être désignée comme l’égale des Envoyés divins. Seuls les Envoyés, en effet, présentent la particularité d’être préservés de toutes les tentations, et de conserver cette pureté qui seule les rend réceptacle du message divin. Dans le cas de Marie, la Révélation divine réside en Jésus lui-même, et la Tradition lui attribue le nom al-bikra, « la Vierge », soulignant ainsi l’événement miraculeux qui s’est accompli en elle.
Il est significatif que, lorsqu’il détruisit les idoles qui s’étaient accumulées à l’intérieur de la Ka‘ba avec la dégénérescence des temps, le prophète Muhammad protégea au contraire une icône représentant l’image de Marie avec l’enfant Jésus, en signe de reconnaissance et de grand respect. Dans la sourate « Marie » :
Mentionne, dans le livre, l’histoire de Marie lorsqu’elle s’isola de sa famille en un lieu situé à l’Orient, et qu’elle se dissimula d’eux en se couvrant d’un voile. Nous lui envoyâmes alors Notre Esprit qui lui apparut sous la forme d’un jeune homme bien fait. « Je demande au Miséricordieux de me préserver de toi, lui dit-elle, pour peu que tu Le craignes. » « Je ne suis envoyé par ton Seigneur qu’afin de te donner un enfant pur », lui répondit-il. « Comment aurais-je un enfant alors qu’aucun homme ne m’a touchée et que je ne suis pas une femme de mauvaise vie ? » « C’est ainsi, lui dit-il, que ton Seigneur l’a décrété : Cela M’est chose facile ! Nous en ferons un signe pour les hommes et une miséricorde dispensée par Nous. La chose est déjà résolue. » Elle fut enceinte de l’enfant et se retira en un lieu éloigné. Les douleurs la poussèrent à s’abriter près d’un tronc de palmier. « Plût au ciel que je fusse morte avant cet événement et que je fusse négligée, oubliée », se dit-elle. Une voix l’appela, jaillie de dessous elle : « Ne t’afflige point, ton Seigneur a placé un ruisseau à tes pieds. Secoue en attirant vers toi le tronc de ce palmier afin d’en faire tomber sur toi des dattes mûres, manges-en, bois et détends-toi ! Et si tu vois quelqu’un, dis-lui : J’ai fait vœu de jeûner au Miséricordieux et en ce jour je n’adresserai la parole à aucun être humain ! » Elle se rendit dans sa tribu en portant l’enfant. « Marie, lui dirent-ils, tu as commis une abomination ! Ô sœur d’Aaron, ton père n’était pas un libertin ni ta mère une femme dissolue ! » Alors elle désigna l’enfant. « Comment parlerions-nous, s’écrièrent-ils, à un enfant encore au berceau ? » « Je suis le serviteur de Dieu, leur dit-il. Il m’a accordé les Ecritures et a fait de moi un prophète et un être béni où que je me trouve, et Il m’a recommandé la prière et l’aumône tant que je serai en vie, ainsi que la piété filiale envers ma mère et Il n’a pas fait de moi un oppresseur scélérat. Et que la Paix soit sur moi le jour de ma naissance, le jour où je mourrai et le Jour où je serai ramené à la vie ! » Tel est Jésus fils de Marie ; telle est la parole vraie qui fait pourtant l’objet de leurs doutes. Il ne sied pas à Dieu, exalté soit-Il, de prendre un enfant. Lorsqu’Il décide d’une chose il Lui suffit de dire : Sois ! pour qu’elle voit le jour. « Dieu est bien mon Seigneur et le vôtre ! Adorez-Le donc, telle est la voie droite ! »40
La position de haut rang que Marie occupe dans la Révélation coranique a inspiré chez certaines femmes musulmanes occidentales, de profondes réflexions qui pourraient s’avérer utiles aux fidèles chrétiens et musulmans. À ce propos, citons les commentaires de Maryam Tabaglio et de ‘A’isha Lazzerini :
C’est justement l’obéissance et la patiente acceptation du décret divin imposant d’enfanter dans la douleur, et l’effort d’y rechercher l’action de la Providence, qui conduisirent Marie au temps et au lieu de la naissance de Jésus, Rûh Allâh, l’Esprit de Dieu. Le voyage extérieur ne fait qu’un avec l’aspiration intérieure à être « morte et totalement oubliée », expression qui manifeste la nécessité de mourir à nous-mêmes afin de pouvoir, dans le souvenir de Dieu, renaître à une nouvelle vie. La voix qui réconforte la Vierge est, d’après certains commentaires islamiques, la voix même de Jésus qui naît et donne la vie en redonnant des forces à sa mère par le miracle des dattes et du ruisseau. Marie, après avoir bénéficié de ces dons, est prête à faire un sacrifice particulier, celui du jeûne spirituel et du silence qui correspond symboliquement au silence de l’âme individuelle, qui permet à l’Esprit de s’exprimer en elle. Et la parole de Dieu ne tarde pas à se faire entendre parce que c’est justement en vertu de ce silence que le nouveau-né, Jésus, encore dans le berceau, répond miraculeusement aux offenses faites à l’honneur et à la sainteté de sa mère, que celle-ci doit subir lorsqu’elle vient à témoigner de la naissance de Jésus à son peuple.41
Si la Vierge Marie eut la fonction providentielle de concevoir dans son corps également la naissance de l’Esprit de Dieu, la naissance intérieure du Verbe est ce à quoi tout croyant devrait aspirer. Ce qui rend possible cette naissance, c’est la fidélité parfaite qu’atteint notre esprit en Dieu, fidélité qui met en correspondance l’événement historique de la naissance de Jésus et l’événement intemporel de la naissance de l’Esprit divin dans le cœur du croyant. La question véritablement centrale est peut-être, mais Dieu sait mieux, de réussir à actualiser une telle naissance aussi miraculeuse en nous-mêmes, en unissant temps et éternité dans notre cœur, le seul à pouvoir contenir ce que l’histoire ne comprend pas, selon un hadîth qudsî, une tradition sainte dans laquelle Dieu Lui-même parle en affirmant que « le monde entier ne peut Me contenir, mais le cœur de Mon fidèle serviteur, lui, Me contient ».
Dans le même temps, Marie s’est élevée à un tel degré de perfection spirituelle qu’elle constitue un modèle réellement universel, au-delà des distinctions de genre, masculin et féminin, de la même façon que pour nous, musulmans, le prophète Muhammad représente le « modèle excellent » que tous les croyants, homme et femme doivent imiter. L’élévation de son état intérieur aux dessus des caractéristiques masculines et féminines, non pas, bien sûr, sur le plan des formes — où au contraire Marie reçut l’épreuve, exclusive et tout à fait féminine, de devoir enfanter dans la douleur — mais sur le plan de l’esprit, est la conséquence de sa parfaite réceptivité par rapport à Dieu, réceptivité qui en réalité correspond à la plus grande « activité spirituelle ».42
L’histoire de Marie met en lumière son haut degré d’élévation spirituelle, exemple parfait de féminité et de maternité qui est valable en tout temps. Celle-ci nous témoigne d’une part de la force que requiert l’acceptation de la volonté de Dieu, avec Ses bénédictions, et d’autre part, de la patience qui permet de supporter l’opposition des incrédules. C’est en sachant maintenir le juste équilibre entre la force et la patience que, chaque jour, la femme pieuse peut contribuer à une réorientation traditionnelle au sein de la famille et de la société. Cette réorientation implique de dépasser certaines conceptions erronées sur la femme, sur le mariage et, de façon plus générale, sur la famille, conformément au sens profond de la tradition prophétique selon laquelle « le paradis se trouve aux pieds des mères ».
Si nous avons pu, en évoquant Marie, nous appuyer sur certains passages coraniques, nous n’avons, en ce qui concerne Khadîja, que peu de références. Le Coran, en effet, ne relate pas les vicissitudes personnelles de la vie du prophète Muhammad, si ce n’est rarement, lorsqu’elles ont une fonction bien précise dans l’économie de la Révélation.
La Tradition décrit Khadîja comme une riche commerçante restée veuve, qui connut le Prophète bien avant qu’il eût reçu la Révélation divine. Elle reconnut dès le début l’élection singulière du Prophète, et demanda à pouvoir l’épouser. Cette sensibilité féminine particulière lui fut d’une grande aide pour vivre aux côtés d’un homme qui, dans les années à venir, allait jouer un rôle de première importance. Khadîja fut la première croyante à entrer en islam, à une période où les hommes étaient restés sans Dieu. L’idolâtrie était alors largement répandue, et, lorsque le prophète Muhammad commença la prédication, il dut faire face à l’opposition de son peuple. Dans de telles épreuves, Khadîja, qui accompagna le Prophète durant quinze ans, lui offrit un soutien solide et précieux. Durant cette période, le Prophète n’eut pas d’autres épouses, et Khadîja lui donna plusieurs enfants, parmi lesquels Fâtima, la fille préférée du prophète Muhammad.
Il nous semble tout à fait significatif que le Prophète parle de Marie et de Khadîja comme étant deux femmes parfaites. Si la mère de Jésus présentait depuis son enfance des signes d’élection exceptionnels qui l’accompagneront toute sa vie, la perfection de Khadîja est moins manifeste, quasiment voilée par une apparente simplicité. Khadîja atteignit un degré élevé de participation à la mission prophétique de Muhammad. Non seulement elle crut immédiatement en lui lorsqu’il reçut la Révélation, mais elle partagea également, à différents niveaux, les efforts du Prophète pour transmettre le message divin. Ce n’est pas une simple affinité de caractère entre mari et femme qui aurait pu permettre au Prophète de trouver en famille un soutien efficace et solide, mais bien une syntonie spirituelle particulière entre les deux époux. Cette harmonie profonde se manifesta particulièrement à travers un épisode au cours duquel l’ange Gabriel adressa les salutations de paix au Prophète à l’attention de Khadîja, qui était alors à ses côtés, mais ne pouvait voir l’ange, qui lui annonça que Dieu avait préparé pour elle une demeure au paradis.
Le prophète Muhammad reçut une véritable et authentique investiture céleste nécessitant l’adhésion complète de tout son être. Ainsi, tout comme Marie, le Prophète n’eut pas le choix d’accepter la volonté de Dieu, qui les a élus tous deux comme étant les meilleurs parmi les hommes et parmi les femmes. Au contraire, en ce qui concerne Khadîja, épouse d’un envoyé de Dieu, une telle adhésion totale ne coule de source. En effet, il n’est pas toujours possible de supporter le poids de la bénédiction qu’une telle proximité comporte, et le Coran révèle que le prophète Noé et le prophète Loth n’auraient rien pu faire pour sauver leurs épouses.43
La perfection de Khadîja réside dans l’union sublime qu’elle a réalisée avec Dieu à travers Son Prophète, union qui rayonne dans tous les aspects de sa vie. La femme pieuse, l’épouse fidèle et la mère aimante ne sont pas seulement des étiquettes, mais furent plutôt pour Khadîja l’expression extérieure d’une réalisation spirituelle effective et d’une syntonie élevée avec le Prophète.
Marie et Khadîja constituent l’exemple toujours actuel de femmes qui ont su unir l’action dans ce monde avec la contemplation de Dieu. Dans les récits de leur vie, on ne rencontre pas d’attitudes passives ou fatalistes par rapport aux événements contingents, mais bien des actions soutenues par la foi qui, comme le dit l’Evangile, peut déplacer des montagnes. La sollicitude dans la servitude envers Dieu, « comme si on Le voyait », est l’expression la plus élevée de la vertu spirituelle, al-ihsân, dont tous les saints et les prophètes ont toujours offert un exemple lumineux. Tout cela requiert, indubitablement, un oubli de soi-même et une véritable intention de sacrifice, entendu dans le sens de sacrum facere, « rendre sacré » chaque action en ce monde. C’est justement cette abnégation, comprise comme l’abandon d’une perspective individuelle afin de réaliser les qualités que Dieu nous a données, que redoutent les hommes et les femmes de nos jours, car elle se situe naturellement aux antipodes des innombrables revendications des uns et des autres, visant l’autonomie et l’autorité féminines. Le sacrifice ne consiste pas à s’immoler, par une attitude passive face à n’importe quelles demandes, mais plutôt, comme le fit Abraham, à se préparer à perdre ce qu’il y a de plus cher, comme, pour lui, son fils, pour être, inshâ’Allâh, récompensé par Dieu seul.
C’est justement sur cette origine abrahamique commune que nous voudrions poursuivre afin d’aborder et d’approfondir la fonction de deux autres femmes, Sarah et Agar, les deux épouses d’Abraham, respectivement mères des prophètes Isaac et Ismaël. On raconte que Sarah, ne réussissant pas à avoir d’enfants, offrit en mariage à Abraham sa servante Agar, mère du futur prophète Ismaël. Un jour, Abraham demanda à Agar de prendre le nouveau-né, et de se préparer pour un long voyage. Ils arrivèrent en un lieu désert de la péninsule arabique, où Abraham aida sa famille à s’installer, leur laissant une maigre provision de vivres et d’eau, à peine suffisante pour deux jours. Une fois l’installation terminée, Abraham s’éloigna sans prononcer mot. Agar, inquiète, courut après lui en demandant où il allait, et pourquoi il les laissait dans ce lieu désolé. Abraham ne répondit pas et poursuivit son chemin. Elle réitéra sa demande mais n’obtint aucune réponse. Finalement, elle eut l’intuition que son époux n’agissait pas de son propre chef, et elle lui demanda alors : « Peut-être est-ce Dieu qui t’a ordonné de faire cela ? » Abraham acquiesça, et elle retourna alors sur ses pas, en disant : « Bien ! Dieu ne nous abandonnera pas ! »44 Lorsqu’ Abraham fut hors de vue de sa famille, il leva les yeux et les bras tendus vers le Ciel, invoquant son Seigneur : « Notre Seigneur ! J’ai établi une partie de mes descendants dans une vallée stérile auprès de Ta Demeure sacrée, afin qu’ils accomplissent la prière. Fasse que le cœur de certains hommes s’incline vers eux et accorde-leur des fruits. Peut-être seront-ils reconnaissants. »45 Le petit Ismaël et sa mère restèrent en ce lieu désert jusqu’à ce que les provisions fussent épuisées. La soif commença à se faire sentir et le petit pleurait. Agar se rendit au sommet d’une colline appelée as-Safâ pour chercher de l’aide, et, ne trouvant personne, elle se dirigea vers l’autre colline avoisinante, appelée al-Marwa, mais, là-aussi, elle ne vit personne à l’horizon. Elle effectua ce trajet sept fois jusqu’au moment où, épuisée, elle entendit une voix. Elle s’arrêta pour écouter, et appela à l’aide. C’est alors qu’elle vit dans la vallée un ange qui creusait un fossé, jusqu’au moment où de l’eau jaillit du sol aride. Agar construisit de ses propres mains un mur autour du puits miraculeux, et remplit son récipient d’eau à la source qui continuait à sourdre en abondance. L’ange rassura Agar : « Tu ne dois pas avoir peur, dit-il, le lieu dans lequel tu te trouves est destiné à être le siège de la Maison de Dieu, et Dieu n’abandonne pas Ses fidèles serviteurs. »
L’endroit prit le nom de zam-zam, et, aujourd’hui encore, l’eau y coule à flot. Par la suite, dans ce même lieu, fut édifié par Abraham et Ismaël le sanctuaire de la Ka’ba.46 Tout musulman doit s’y rendre en pèlerinage au moins une fois dans sa vie, si cela lui est possible. Parmi les rites du pèlerinage, figure justement la septuple course entre les collines de Safâ et Marwa, sur l’exemple d’Agar, course qui se termine à la source de zam-zam pour s’abreuver. Le fait de parcourir symboliquement le trajet d’Agar renouvelle l’abandon confiant en Dieu que la mère d’Ismaël réalisa dans cette situation particulière, tandis que l’eau bue à la source rapelle la récompense que Dieu donne à Ses fidèles serviteurs. Il ne s’agit pas simplement de commémorer un épisode advenu il y a des siècles, mais plutôt d’y participer spirituellement à travers les « symboles agis » et opérants d’une géographie sacrée, instituée par Dieu.
Le pèlerinage à La Mecque, symbole du retour à Dieu, se déroule de la même façon pour tous. Les hommes et les femmes y participent ensemble, retrouvant symboliquement la pureté originelle d’Adam et Eve avant la chute du Paradis. Cette pureté primordiale, qui les réintègre dans l’unité retrouvée, ne requiert plus la présence de toutes ces distinctions formelles et extérieures qui sont au contraire nécessaires dans la réalité de ce monde. Même les habits des pèlerins, de simples pièces de tissus, sont soumis à des règles qui les réduisent à une essentialité extrême. En fait, ces voiles expriment, de façon éclatante, ce caractère universel et primordial qui seul constitue la véritable identité spirituelle de la Révélation de Dieu dans l’islam.
Le prophète Muhammad commenta un jour l’histoire d’Agar en ces termes : « Sans sa sollicitude à construire une digue autour du puits, l’eau aurait inondé le monde. »47 Nous voudrions nous inspirer de cette sollicitude féminine afin, s’il plait à Dieu, de recueillir les bénédictions que la vie ne manque pas de nous réserver. Un jour, Abraham, retourné auprès de sa première épouse Sarah après l’épisode d’Agar et du puits de zam-zam, reçut un jour la visite de trois hommes. Le Coran relate ainsi l’événement :
Nos envoyés étaient venus trouver Abraham, porteurs de la bonne nouvelle et lui avaient adressé une salutation de paix. « La Paix soit sur vous ! » leur avait-il répondu et il ne tarda pas à leur apporter un vœu rôti. Mais lorsqu’il vit qu’ils n’y portaient pas la main, il les désavoua et conçut de la frayeur à leur égard. « Ne crains rien, lui dirent-ils, nous sommes envoyés auprès du peuple de Loth. » Debout, son épouse se prit à rire à l’annonce que Nous lui fîmes de la naissance d’Isaac et de Jacob à sa suite. « Malheureuse que je suis, s’écria-t-elle : enfanter alors que je suis une vieille femme et mon mari un vieillard ! En voilà une chose étonnante ! » « Tu t’étonnes de l’Ordre de Dieu ? lui demandèrent-ils. Que la miséricorde de Dieu et Ses bénédictions soient sur vous, ô gens de cette maison, Dieu est Digne de louange et de gloire. »48
Dans cette dernière citation coranique concernant Sarah, ainsi que dans l’histoire d’Agar, toute femme musulmane peut reconnaître la valeur universelle de leur exemple. Sarah comme Agar sont toutes deux l’expression, bien que dans des formes, des modes et des temps différents, d’une relation profonde avec leur mari et leur fils, dans la réalisation de la volonté divine. En particulier, leur épreuve réside dans l’alternance cyclique des dons et des privations que Dieu Lui-même décrète. Sarah est ainsi au début mise à l’épreuve par le fait qu’elle ne peut avoir d’enfants, tandis qu’Agar reçût le don de la naissance d’Ismaël. Dans la phase suivante, c’est Agar qui est mise à l’épreuve car elle dût se séparer d’Abraham et est laissée avec son fils dans le désert, tandis que Sarah se voit récompensée, tout d’abord par le retour d’Abraham, puis par l’annonce de la naissance d’Isaac.
L’alternance des phases cycliques de grâce et de renoncement coïncide avec la succession de joies et de douleurs qui, dans la Tradition islamique, peut correspondre au symbolisme de la contraction et de l’expansion qui s’expriment dans l’être humain également par les battements du cœur et le rythme respiratoire.
Il est donc important de comprendre la signification profonde de l’acceptation et de la soumission à la Volonté divine, qui s’explique toujours par ce mouvement cyclique dans lequel le don et la privation constituent deux aspects d’un unique bienfait divin. Telle est, en définitive, l’essence la plus authentique de l’islam, qui signifie littéralement « soumission à Dieu ». Ainsi, Agar et Sarah peuvent représenter un exemple lumineux pour tous les croyants et pour tous ceux qui acceptent et pratiquent la volonté de Dieu, appelés en arabe, muslimûn, musulmans.
- Coran 28 : 88.↩
- Al-Ghazâlî, Des vertus du mariage, traduction de A. Demazières, Alif éditions, Lyon, 1997, p. 51.↩
- Parole d’Abû Sulaymân ad-Darânî.↩
- Coran 33 : 59.\↩
- Tradition prophétique rapportée par Ibn Hanbal.\↩
- Coran 3 : 37.\↩
- Mulayka Enriello, Femme, islam et sainteté. La sacralité de la dimension féminine. ↩
- Fâtiha Darolles, « L’image de la femme musulmane », Le Message, revue du Centre d’Etudes Métaphysiques et de l’Institut des Hautes Etudes Islamiques, n°11, 2004, p. 58-67. ↩
- Tradition prophétique rapportée par Muslim et al-Bukhârî. ↩
- Coran 2 : 115.\↩
- Coran 4 : 1.\↩
- Ibn Hanbal. ↩
- Tradition prophétique rapportée par Ibn Hanbal, Muslim. ↩
- Coran 2 : 256. ↩
- Tradition prophétique rapportée par Ibn al-Jawzî.\↩
- Al-Ghazâlî, Le perle del Corano, edizione Rizzoli, Milano, 2000.↩
- Al-Ghazâlî, Des vertus du mariage, traduction de A. Demazières, Alif éditions, Lyon, 1997, pp. 56-57.\↩
- Ce symbole de forme circulaire représente un poisson blanc avec un œil noir et un poisson noir avec un œil blanc↩
- A-Ghazâlî, Des vertus du mariage, traduction de A. Demazières, Alif éditions, Lyon, 1997, p. 26.↩
- Ibid, p. 26.↩
- Ibid, p. 26.↩
- Ibid, p. 102.↩
- Coran 2 : 231.↩
- Coran 4 : 19.↩
- Al-Ghazâlî, Des vertus du mariage, traduction de A. Demazières, Alif éditions, Lyon, 1997, p. 61.↩
- Tradition prophétique rapportée par Ibn Mâjah.↩
- Tradition prophétique rapportée par At-Tirmidhî.↩
- Mulayka Enriello, Femme et travail dans l’islam, conférence tenue à Alessandria, le 10 avril 2003, auprès de l’Union industrielle.↩
- Une tradition prophétique, transmise par Abû Sa‘îd, affirme que « personne se présente à Dieu avec un péché plus grand que celui de laisser les siens dans l’ignorance. »↩
- Tradition prophétique rapportée par An-Nasâ’î.↩
- Al-Ghazâlî, Des vertus du mariage, traduction de A. Demazières, Alif éditions, Lyon, 1997, p. 108.↩
- Ibid, p. 84.↩
- Ibid, p. 25.↩
- Coran 30 : 20-23.↩
- Farîda Perruzzi Vincenzo, «&nbps;La famille et la communauté dans l’islam&nbps;», in L’Islam e l’Italia, a cura de l’Associazione Italiana Internazionale per l’Informazione sull’Islâm, La Sintesi editrice, Milano, 1996.↩
- Ahmad Fazl, La vie de Aicha, épouse du Prophète, IQRA, Paris, 2000, pp. 13-14.↩
- Coran 30 : 6.↩
- Tradition prophétique rapportée par Al-Bukhârî.↩
- Coran 3 : 37-40.↩
- Coran 29 : 16-36.↩
- Maryam Tabaglio, La figure de Marie dans le Saint Coran, intervention donnée à l’occasion du colloque «&nbps;Connaître les femmes musulmanes&nbps;», sous le patronage de la région de la Ligurie, tenu à Ventimille, Italie, le 11 mai 2002.↩
- A’isha Lazzerini, Marie dans l’islam, conférence tenue à Sestriere, Italie, le 10 août 2003.↩
- Coran 66 : 10.↩
- Ibn Kathîr, Stories of the Prophets, El Nour, Le Caire, 1996, pp. 88-89.↩
- Coran 14 : 37.↩
- Le lieu sur lequel fut édifié le temple en pierre par Abraham et Ismaël était destiné au pèlerinage depuis l’origine de l’humanité, signe de la miséricorde de Dieu à Abraham. Après la chute du Paradis, Adam y plaça une tente autour de laquelle il accomplissait le rite de la circumambulation (tawâf).↩
- Ibn Kathîr, op. cit., p. 91.↩
- Coran 11 : 69-73.↩